lundi 27 août 2007

13e rentrée scolaire en tant que prof

Dans quelques heures, dans l'auditorium du collège, je serai présentée, ainsi que tous mes collègues, aux élèves de 5e secondaire. Suis-je superstitieuse? C'est ma 13e rentrée scolaire et ça coïncide avec ma "promotion". Je quitte 8 années d'enseignement en 2e secondaire pour me consacrer dorénavant exclusivement à la 5e secondaire. En fait, je retourne à mes premières amours. Mes collègues me trouvent un peu "sautée" d'avoir demandé moi-même cette assignation. Que voulez-vous. J'aime les défis et je trouvais que je n'en relevais plus beaucoup en 2e. Et puis j'en ai un peu marre de la littérature jeunesse. Je rêve de lire des romans pour adulte et de me dire "voilà qui serait bien pour mes grands élèves". J'en ai marre d'expliquer la différence entre "ce" et "se", quoique l'expérience me dit que je vais continuer à l'expliquer en 5e...

J'aime la frénésie des filles de 5 qui m'apportent la photo de leur robe de bal, celle des gars de l'équipe de football qui vont "casser la gueule, ça va saigner, on vous le garantit, madame, à nos adversaires de ce fameux collège de l'ouest de Montréal". J'essaie pour l'instant de ne pas trop penser à tous ces textes argumentatifs qu'il faudra corriger ainsi qu'à toutes ces dictées, ces critiques de théâtre, ces analyses de La vie devant soi et de Germinal... aux 12 crayons verts (rouge, c'est out!) "Pilot Technipoint 5 ou 7" qui rendront l'âme durant cette folle équipée. Je pense à tous ceux et celles qui me disent, comme cette préposée du centre sportif où je m'entraînais tout à l'heure: "T'es prof (silence recueilli)... au secondaire? (visage d'intense compassion) Pauvre toi! En secondaire 5???? (yeux incrédules à la limite de l'exorbitation) Moi je s'rais pas capab..."

Souvent, je me demande si je suis capable. Puis je vois le plus grand costaud de la classe, un tueur sur un terrain de football, tout absorbé par sa lecture du roman de Colleen McCullough Les oiseaux se cachent pour mourir, à la recherche d'exemples et de citations parce qu'il va participer au débat "Faut-il laisser nos choix amoureux influencer notre carrière?" À côté de lui, sa blonde Barbie, celle qui était à l'avant de la scène en "microkini" lors du dernier défilé de mode, celle qui oublie présentement de se mettre du brillant à lèvres aux cinq minutes, parce qu'elle essuie ses yeux avec un kleenex: elle lit le passage de la mort du petit garçon du juge Othon dans La Peste . Et puis mon beau griot tout droit débarqué du Congo, qui se cherche une identité dans ce pays de froid, et qui justement a appris à se geler avec toutes sortes de substances, qui sort de sa torpeur éternelle le temps de me composer un slam absolument fabuleux, lumineux, plein d'espérance. Pour tous ces moments de grâce, je suis capable.

3 commentaires:

A.B. a dit...

Quel beau billet! Bien écrit, touchant. Les larmes me sont montées aux yeux à la lecture du dernier paragraphe. Parce que, voyez-vous, moi aussi je doute, deux fois plutôt qu'une, et moi aussi je me retrouve de nouveau en cinquième secondaire cette année...après avoir quitté la deuxième! Bonne rentrée =)

Magrah a dit...

Cinquième secondaire aussi, un groupe seulement, mais enrichi. J'ai aussi laissé tomber un groupe de 2, et c'est aussi un retour à mes anciennes amours...

Donc, bonne rentrée, et au plaisir de vous lire!

Lia a dit...

Merci, safwan et magrah, pour votre visite et les gentils mots que vous avez laissés. Je vous souhaite une belle année avec vos élèves. Comment sont-ils? Les miens ont l'air très allumés cette année. Mes collègues de 4e les ont beaucoup aimés. Je croyais être une bibite rare en quittant la 2e secondaire au profit de la 5e...